Comment se sortir de situations délicates
Pendant nos visites, on gère en permanence plein d’interactions avec ce qui nous entoure (personnes, odeurs, bruits, animaux…). Parfois, les aléas de la rue nous amènent à des situations délicates mais dans la très grande majorité des cas, pour peu qu’on soit dans la détente et qu’on ait un peu d’humour, on désamorce facilement la situation !
Tous les exemples donnés dans cet article ont été réellement vécus en visite.
Quand un visiteur se tape l’incruste
On le sait quand on est guide, il arrive de temps en temps qu’une personne s’incruste et vienne écouter ce qu’on raconte. Soit discrètement, de loin, en faisant mine de regarder une vitrine, soit vraiment en intégrant le groupe. Sur un arrêt, cela n’est pas dérangeant. En revanche, si les personnes commencent à suivre le groupe à l’arrêt suivant, je leur distribue une carte avec nos coordonnées pour qu’ils ou elles, reviennent une prochaine fois.
Celui qui sait toujours tout et qui veut que tout le monde le sache
Vous le visualisez celui-là ? Aucun·e guide n’y échappe. Il y a régulièrement en visite un homme (oui, de mon expérience, si subjective soit elle – ou pas -, se sont très majoritairement des hommes qui jouent ce rôle) qui prend la parole soit pour tester le·la guide et vérifier ses connaissances, soit pour montrer à tous·tes Ô combien il sait beaucoup de choses.
Quand on a travaillé un sujet pour préparer une visite, on est souvent capable de répondre à une question supplémentaire, ou enrichir un propos à la demande. Et quand on ne sait pas répondre, on peut toujours répondre qu’on n’est pas expert du sujet et qu’on n’a pas la réponse. La règle c’est de ne pas perdre la face.
Lorsque j’ai travaillé une saison à la citadelle de Besançon, j’avais été briefée par ma formatrice : j’étais une jeune femme de 25 ans, et je m’apprêtais à parler d’architecture et de stratégie militaire du 17e siècle devant des groupes dans lesquels pouvaient se trouver potentiellement des passionnés d’histoire militaire. J’ai donc appris tous les calibres des armes de l’époque, et tous les numéros des régiments d’infanterie qui étaient en lien avec le lieu de près ou de loin.
Parfois il faut aller jusqu’à dire gentiment mais clairement. “Écoutez Monsieur, je vois bien que vous êtes extrêmement cultivé mais en l’occurrence, c’est moi qui mène cette visite et j’ai construit mon discours”. Un jour une collègue a dit a un visiteur qui prenait toute la place : “ah mais pardon monsieur vous vouliez faire la visite, pardon, vraiment je ne voulais pas vous prendre la place !” Ça l’a calmé direct et ça a bien fait rire le reste du groupe.
Les gens qui interrompent sans mauvaise volonté.
Dans la rue on est vraiment tout le temps au contact du monde. On crée une bulle avec nos visiteureuses mais cette bulle est perméable. Parfois, des passants, des commerçants, ou toutes autres personnes se retrouvent à interagir avec le groupe : un touriste qui veut un renseignement et qui ne voit pas que c’est pas le bon moment, un restaurateur qui propose une table à notre public ; un passant qui pense que la dégustation est ouverte à tous ; un américain attendri par cette ribambelle de charmants bambins en train d’écouter attentivement ce que le·la guide raconte et qui viennent derrière et disent (avec l’accent) “Bonjour les enfants”, voire qui prennent des photos… Dans la majorité des cas, ces gens ne se rendent malheureusement pas compte à quel point ils nous gênent. Et là il n’y a pas grand chose d’autre à faire que simplement leur dire que ce n’est pas le moment et qu’il vous empêchent de travailler. Un peu de pédagogie dans l’espoir qu’ils ne le refassent plus (mais c’est sans garantie…).
Les gens qui interrompent clairement pour t’embêter
Un groupe en enterrement de vie de garçon qui doivent remplir des défis, quelqu’un qui se met derrière le·la guide et qui fait des grimaces… Un jour, un homme s’était caché derrière mon groupe et s’était mis à chanter du Carlos. “Embrassez-vous, sur la joue, big bisou”. Ce jour-là j’étais de bonne humeur et sur le coup, ça m’a fait rire intérieurement. Ce n’était pas du tout à un moment drôle de la visite. Au contraire, c’était même un moment assez tendu dans la narration du conte. J’ai donc arrêté de parler et je l’ai regardé dans les yeux. Il m’a répondu “c’est pas moi” et il est resté mais en silence. J’ai donc repris ma visite et il s’est remis à chanter. Alors je me suis arrêtée à nouveau, je l’ai regardé dans les yeux, en silence, puis tous les visiteurs l’ont regardé, jusqu’à ce qu’il parte. Il est parti.
Là, c’est un rapport de force qui se met en place et généralement, nous (le·la guide + tout le groupe) pesons plus que que le mec seul qui veut nous embêter.
Dans le cas où la personne reste, parfois, la seule solution est de soi-même bouger et modifier son parcours.
Les pigeons
Ah les pigeons ! En ville, ils sont partout. Déjà il nous agacent parce quand ils volent toute l’attention des enfants pendant les visites, mais aussi pour d’autres raisons…
Un jour j’étais dans la cour du CHRD (centre d’histoire de la résistance et de la déportation). Dans notre visite sur le quotidien à Lyon pendant la seconde guerre mondiale nous y passons et c’est un peu le climax émotionnel de la visite. C’est un endroit où souvent nos visiteurs enfilent leurs lunettes de soleil pour ne pas montrer qu’ils ont les larmes aux yeux. Et ce jour-là, pile à ce moment-là, je sens un truc tomber sur mon épaule. Le public complètement dans mon histoire ne réagit pas. J’étais sous un arbre, je me dis que ce doit être une branche. Je regarde, c’était une fiente. Alors de la manière la plus naturelle, je réagis amusée. Je nettoie avec un mouchoir et on n’en fait pas plus cas que cela.
Gérer toutes ces situations
Dans tous les cas, le·la guide peut compter sur le soutien du groupe. Qu’il soit moqueur, bienveillant ou protecteur, le groupe est là, avec nous, et on peut prendre appui sur lui.
Lors d’une visite classique, le rapport au monde extérieur peut être pris de manière plus simple et naturelle. On peut réagir spontanément et intégrer ou non l’irruption au discours.
Dans une visite contée, si c’est un passage très fort émotionnellement c’est parfois plus compliqué à intégrer. Soit on intègre par une pirouette ou une blague, soit on sort du conte pour gérer la situation. Dans ce cas, le plus important est de couper proprement son récit, gérer la situation, puis se remettre instantanément dans le récit, comme s’il n’y avait pas eu de coupure. Si nous sommes dedans, les visiteureuses le seront aussi.
Quand nous ne sommes pas en train de raconter (comme une narrateur ou un guide) mais qu’on incarne un personnage (comme on le fait dans nos visites théâtralisées), c’est quitte ou double. Mais dans la majeure partie des cas, ça amène à des situations très drôles. Pour peu qu’il s’agisse d’une interruption volontaire, la personne qui nous interrompt se retrouve face à des propos qui lui paraissent incohérents (si le guide joue un personnage d’une autre époque, s’il a un caractère bien trempé comme c’est souvent le cas…). Et bien souvent on a le groupe entier avec nous, complice et amusé de voir cette situation s’improviser sous ses yeux.
Les limites inacceptables : les remarques sexistes / racistes / homophobes.
Ce genre de remarques, malheureusement, arrivent parfois… c’est intolérable.
Quand ces remarques sont dirigées vers nous, le·la guide, la réaction est difficile à anticiper parce que parfois nous sommes sidéré·e et ça nous empêche d’agir. D’autres fois ça nous sort de nos gonds. Idéalement, on pose ses limites en renvoyant la personne dans ses buts. Tout ceci n’est pas simple à gérer en direct, c’est pourquoi c’est toujours bien d’en discuter en équipe si on a la chance d’en avoir une ou d’en discuter avec ses confrères et consœurs.
Chez Cybèle suite à ce genre d’agissement de visiteurs, nous en avons beaucoup parlé et nous avons pris des décisions fermes. Toute remarque déplacée à l’encontre du·de la guide est relevée sur le coup. Nous nous autorisons à quitter le groupe en cas de récidive. Et quoi qu’il en soit, un retour est fait à l’organisateur de la sortie.
Et puis il y a les remarques qui ne nous sont pas adressées. Dans ce cas on a souvent plus de sang froid et l’on peut poser le cadre plus sereinement.
Les imprévus, source de jeu !
Certes, il y a ces cas de figures parfois délicats à gérer, mais les imprévus donnent surtout beaucoup de jeu ! Ils font partie intégrante de notre travail et ils nous donnent souvent l’occasion de nous amuser et d’apporter du relief à nos parcours. Nous nous appuyons toujours sur ce qui nous entoure et c’est ce qui rend chaque visite unique !
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