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Apprendre une visite guidee par cœur

Faut-il rédiger et apprendre par cœur le texte de sa visite guidée ?

Aujourd’hui nous abordons une grosse question à laquelle il est difficile de répondre, et que pourtant on nous pose systématiquement lors de nos formations : Faut-il rédiger le texte de sa visite et l’apprendre par cœur ?

Récemment encore, une chère consœur nous reposait cette question par mail, suite à la lecture de notre article “Pour être entendu.e.s, chouchoutons nos publics”. Car nous y évoquons la question du langage, du choix des mots, des phrases, pour accompagner notre public vers un véritable confort d’écoute.

Nous n’avons pas de réponse définitive à cette question, mais plusieurs pistes de réponses que vous pourrez, nous espérons, vous approprier.

“Le•la guide qui récite son texte par cœur”

Hantise de tous nos publics !
Peur incontrôlable des visiteuses et visiteurs de se retrouver face à un•e guide “qui récite son texte par cœur” !
Symbole de l’incompétence par excellence !

En réaction à cela, parce que nous aimons nos publics et nous ne voulons pas les décevoir, nous nous disons que nous ne ferons jamais cela, que nous valons mieux que ça, et que notre métier c’est l’adaptation, nous n’avons pas besoin d’apprendre par cœur !

Pourtant, si l’on se penche sérieusement sur la question, ça nous paraît un peu plus compliqué. D’abord, décryptons ce retour public. Que veut-il véritablement dire lorsqu’il a peur d’un•e guide qui “récite son texte par cœur” ?

Car ce n’est pas précisément cela que le public rejette, nous en avons fait l’expérience plusieurs fois lors des visites Cybèle. Certaines de nos visites étaient trop denses, trop précises pour que nous puissions nous permettre de les improviser. Alors nous avons appris par cœur notre texte, et pourtant, nous n’avons jamais entendu ce retour public. À l’inverse, le retour était plutôt (très) positif. Les gens disaient qu’ils avaient trouvé la visite “vivante”, “passionnante”, “émouvante”.

Notre avis, c’est simplement que le public ne veut pas un discours terne et monotone. Une litanie de faits récitée sans relief, sans émotion. Mais on peut tout à fait donner l’impression de réciter sans émotion et de façon monotone, même lorsque l’on improvise le discours. Et à l’inverse, un texte appris par cœur peut être dit de façon si vivante qu’on ne se rend même pas compte qu’il a été appris par cœur.

Commençons donc par évacuer cette idée reçue qui voudrait qu’un texte su par cœur serait forcément ennuyant.

Une visite test n’a pas le temps d’être apprise et se fait toujours avec le texte à la main !

Alors faut-il écrire et apprendre le texte ?

Eh bien… ça dépend.

De deux choses principalement. Lorsque vous aurez fait le point sur ces deux éléments, vous devriez être capable de vous positionner, de savoir s’il est utile d’écrire et d’apprendre votre texte par cœur ou pas.

Le contenu de la visite à transmettre

Certaines de nos visites sont les visites “standard”, les découvertes générales, pas trop thématiques, pas trop spécifiques. Celles que l’on fait très souvent, et pour tous types de publics. “Fourvière et le Vieux-Lyon”, “Les incontournables du musée”, “La découverte du Château en 1h”, vous voyez le principe.

Pour ces visites, généralement nous maîtrisons parfaitement le contenu, nous avons des variantes d’explications possibles à l’infini, nous sommes capable de parler de tel bâtiment ou objet pendant 5 minutes, ou 20 minutes, nous sommes capable de sortir les bonnes petites anecdotes et les faits marquants qui accrocheront tel ou tel public.
Dans ce cas là, la rédaction serait une perte de temps, car nous avons l’habitude de changer le discours en fonction de 1000 paramètres aléatoires, et nous n’avons pas de problème à nous adapter facilement.

Notez bien que cela implique une certaine expérience. Un•e guide débutant•e aura beaucoup plus de mal à être immédiatement à l’aise de cette façon (sans que cela soit impossible bien sûr).

En revanche, certaines visites sont écrites avec un objectif bien précis, le propos est délicat, l’émotion à transmettre au public n’est pas évidente. Nous avons besoin de faire appel à des explications très détaillées qui sont parfois difficiles à improviser, ou bien nous avons besoin de certaines images qui ne s’inventent pas. Dans ce cas, lorsque le propos et l’objectif émotionnel ont été savamment définis et que nous savons que c’est délicat, il est parfois préférable d’écrire, et d’apprendre par cœur.

De la même façon, notre visite du stade de Gerland est très minutée, et il y a un fond musical sur certaines scènes. Nous avons été obligé.e.s de commencer par apprendre par cœur ces textes pour progressivement nous en détacher tout en restant dans le timing, bien calé.e.s avec la musique !

apprendre son texte par cœur pour améliorer sa visite guidée
Devenir coach d’une équipe de Rugby, ça ne s’improvise pas ! Pour être crédible, il faut apprendre le texte par cœur !

C’est la même chose quand on s’attaque à un nouveau quartier, une nouvelle thématique, avec un temps de travail limité, un peu de frustration de ne pas pouvoir aller aussi loin qu’on le souhaite dans les recherches, ou bien tout simplement quand on débute dans le métier.

Chez Cybèle, nous proposons toujours à nos stagiaires, si c’est plus simple pour elles•eux, de commencer par re-rédiger le texte avec leurs mots pour l’apprendre par cœur. Certain•e•s le font parce qu’ils•elles se sentent plus à l’aise, et au bout d’un moment, comme tout le monde, s’en détachent, s’adaptent, s’améliorent !

Le cerveau du•de la guide

C’est le deuxième paramètre à prendre en compte. Savez-vous comment fonctionne votre cerveau ? Votre mémoire ? Savez-vous quelles sont les formes de texte qui vous permettent d’apprendre et de retenir plus facilement les choses ? Avez-vous mis au point une méthode d’apprentissage ?

Moi par exemple, je sais que j’ai besoin de me créer des images mentales pour retenir. Lorsque j’apprends un texte, il doit être rédigé. Je le lis à haute voix une première fois en fabriquant l’image dans ma tête en même temps. Puis je me détache du texte pour le redire, de mémoire, en m’appuyant sur cette image que je me suis créée, jusqu’à l’avoir mémorisé.
Pour que ma mémoire soit la plus efficace possible, il faut que je sois dans des conditions très spécifiques : chez moi (lieu confortable et rassurant), je parle toujours debout (en tournant en rond autour de ma table de salon par exemple !), parce que si je m’assois, je me fige, mon esprit se ramollit. Je fonctionne par petites sessions de 20/30 minutes, puis je fais une petite pause de 10 minutes pour me changer les idées, puis je recommence. Cette alternance est indispensable car les 20 minutes passées à essayer de mémoriser sont très intenses pour mon cerveau, si je veux aller au bout je dois m’arrêter très souvent !

visite apprise par cœur
« L’attente : la vie à Lyon sous l’occupation » – Une visite apprise par cœur qui a pourtant toujours été définie par le public comme « vivante » et « émouvante » !

Dans l’équipe Cybèle, tout le monde a un fonctionnement différent. Olivier par exemple préfère les listes de phrases assez courtes. Avec chaque phrase, il s’assoit, ferme les yeux, et reconstitue mentalement tout ce qu’il doit dire, en l’improvisant. Mais il ne part pas forcément d’un texte rédigé.

Nous vous conseillons, si ce n’est pas déjà fait, de prendre le temps de vous poser cette question. Comment retenez-vous vos contenus de visite ? Quelle méthode est la plus efficace pour vous ? Lorsque vous aurez répondu à cette question, vous devriez être en mesure de savoir s’il est nécessaire de rédiger ou pas !

Dans notre équipe, nous avons fait le choix de toujours proposer deux versions pour chaque scénarios. L’un entièrement rédigé, l’autre sous forme de listes de points. Pour chaque scène, nous écrivons succinctement : le contenu pédagogique à transmettre (obligatoire et facultatif), le contenu narratif, le contenu émotionnel, les idées, les images, etc. Chacun ensuite, selon ses besoins, choisit à partir de quel texte il travaille.

Les nécessités absolues

Noémie, notre stagiaire, en pleine répétition sous le regard attentif de Lucille et Olivier.

Parfois, il faut faire face à certaines contraintes qui doivent nous mettre la puce à l’oreille, et peut-être nous obliger à rédiger et à apprendre par cœur, même si ce n’est pas dans nos habitudes. Par exemple :

  • Lorsque l’on débute, dans le métier, dans un nouveau lieu, sur une thématique, etc.
  • Lorsque l’on parle d’un sujet qui nous semble très complexe, ou pour lequel nous n’avons pas une connaissance assez approfondie
  • Lorsque l’on sait que l’on a des problèmes de syntaxe, lorsque l’on bafouille facilement (ce n’est pas une fatalité, on peut être un•e très bon•ne guide malgré tout ! Il faut simplement trouver les parades nécessaires pour que cela ne pénalise pas l’écoute et la compréhension des visiteuses•teurs !)
  • Lorsque l’on sait que l’on va être en difficulté sur un autre point, et que notre concentration sera prise par autre chose que le texte (groupe difficile en prévision, conditions difficiles, bruit, gênes diverses, etc.) À ce sujet, lisez notre article sur le coût cognitif de la visite guidée !

Apprendre par cœur ne veut pas dire figer sa visite pour toujours !

Car bien évidemment, apprendre par cœur ne veut pas surtout pas dire fixer un texte qui ne changera plus jamais. C’est une première base de travail qui nous permet de fixer les parties les plus difficiles, pour ensuite nous les ré-approprier progressivement.

Notre visite contée sur la seconde guerre mondiale est une visite très dense, qui fait appel à de nombreux détails que l’on ne peut pas oublier sans quoi l’histoire perdrait de sa force émotionnelle, et serait plus difficile à comprendre pour le public. Ce sont les sous-entendus, les non-dits, les évocations et les images qui font la force de cette visite. Dans ce cas, c’était un trop grand danger pour nous que de l’improviser, et nous avons commencé par l’apprendre par cœur. Mais avec le temps, nous nous sommes approprié•e•s les phrases, les images, les éléments descriptifs. Les visites des 3 guides Cybèle étaient pratiquement les mêmes lors de nos premières, mais elles sont désormais très différentes et continuent d’évoluer.

En résumé

En résumé, nous n’avons pas de réponse qui dirait “IL FAUT” ou “IL NE FAUT PAS” rédiger pour apprendre par cœur. C’est à chacun.e, selon la visite, l’expérience, le fonctionnement, de faire des choix.

En revanche, il y a une chose qu’il FAUT faire à coup sûr : c’est se poser la question !


Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

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