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[Les effets waouh] Le silence 🙊

Avez-vous déjà pensé à vous taire pendant vos visites ? Non bien sûr. Une guide est là pour donner du contenu, raconter l’Histoire. Les visiteur·euse·s doivent en avoir pour leur argent et ressortir avec la tête remplie de nouvelles informations. On pense toutes ça, plus ou moins consciemment, alors en visite, on avance, on parle vite, on remplit. Parfois même, on parle pendant les déplacements alors qu’on sait très bien que seules les 5 personnes juste à côté nous entendent… Pourtant nous (la guide et le public) avons tellement besoin de silence !

Ingérer le contenu

Quand on mène une visite on est (entre autres) là pour raconter des choses, donner des informations, délivrer du contenu. Et c’est pourquoi durant 1h30 (hors déplacements), on parle. Le silence nous terrorise. « Les gens vont penser que je ne sais pas quoi dire » . « Ils vont croire que j’ai oublié ma visite » . Eh bien : Non. Sauf si vous faites une mine gênée, les visiteur·euse·s ne vont pas penser ça. Au contraire.

On donne tellement d’informations que le public a besoin de temps pour ingérer tout ça. Leurs cerveaux ne sont pas des machines à engranger de l’information. Certaines personnes sont très en demande mais la grande majorité débarque en visite sans aucune connaissance du sujet. Ils découvrent tout, ils captent environ la moitié et ils retiennent 5% du contenu. Et si on veut qu’ils passent un bon moment, sans pression, il faut bien leur laisser du temps.

Un silence à l’oral, c’est un peu comme une virgule ou un changement de paragraphe à l’écrit. On termine notre propos et avant d’attaquer le suivant, on passe à la ligne, on se tait un instant. Et quand il s’agit de changer de chapitre et de mettre un titre avec de l’espace au-dessus et en-dessus, là on peut faire un vrai et long silence.

Le silence comme effet de style

Un article entier est dans les cartons et traitera du rythme en visite, mais voici déjà un paragraphe pour vous dire à quel point le silence donne du rythme s’il est bien utilisé. L’idée qu’on se fait du silence, c’est que c’est mou, vide, creux : c’est l’ennui… l’opposé donc de l’idée qu’on se fait du rythme, qui doit être dynamique, vif, foisonnant. Mais si on sait manier le silence, il peut être un vecteur de rythme incroyable ! 

Parce que ce qui fait le rythme, c’est la variation, le contraste. Le rythme va arriver grâce à une alternance de tension et de détente. Si je parle d’un sujet triste, je ne vais pas rester durant 1h30 de visite dans la tristesse, je vais varier les émotions du joyeux au triste et ce n’est que par ce contraste que j’arriverai à faire ressentir la tristesse à mon auditoire. Et bien dans la façon de raconter à l’oral, c’est pareil. Et le silence permet de dynamiser. Si je raconte quelque chose en faisant une accélération progressive, en montant en intensité et que, juste avant ma conclusion, je fais un vrai silence : [waouh] ça mettra tellement en valeur ma conclusion ! Essayez pour voir ! (Et dites nous ce que ça a donné en commentaire). 

Le silence n’est pas vide

Le silence n’est pas une absence creuse. Pendant 1h30 de visite on le sait, il y a pleins de moment où notre public a des absences, c’est normal. Mais ça ne sera pas forcément pendant les moments de silence. Parce que les silence en visite sont remplis. 

Déjà de la rumeur de la ville (ou de la campagne, selon l’endroit où vous guidez) ! Mais aussi, de ce que vous venez de raconter. Votre public est plein de vos récits et il a besoin de temps de pause pour assimiler. Et surtout, ça laisse du temps aux visiteur·euse·s de se créer des images mentales à partir de leur imagination, de leurs connaissances. Faites confiance aux visiteurs. Ils ne sont pas des récipients creux que vous allez remplir. Ils sont des personnes, fortes d’une vie intérieure riche et ils vont faire quelque chose de ce silence. N’en faites-vous pas autant ?

Un vrai silence en visite peut s’accompagner d’une vraie posture corporelle !

Le silence, c’est très pratique !

Lorsque j’avais un trou de mémoire en visite, dans mes débuts en tant que guide, je m’affolait, je remplissais de trucs inintéressants le temps de retrouver mon fil. Du coup, dans cet affolement et ce remplissage, je galérais encore plus à retrouver mon fil… Aujourd’hui, la plupart du temps j’arrive à me taire. Je fais un silence et je ne laisse rien transparaître de ce qui se passe à l’intérieur (mon cerveau qui mouline pour retrouver mon texte). Non seulement c’est imperceptible par le public qui ne se rend compte de rien (preuve qu’un silence n’est un problème pour personne, sauf pour la guide zélée), mais surtout dans le silence on retrouve plus efficacement son fil.

Un silence vaut mieux qu’un mot de liaison. Les discours sont souvent truffés de mots de « et » « donc » « alors » « voilà » … Ces mots sont parfaitement inutiles. Pire, ils alourdissent et compliquent la compréhension. Dans la très grande majorité des cas (presque toujours), vous pouvez enlever le mot de liaison et faire un silence à la place : ça fluidifiera votre récit !

Le public suspendu à vos lèvres : Longueur du silence

Nous menons régulièrement des formations, et souvent on constate que les participantes pensent faire un silence là où en réalité, elles n’en font pas du tout. On sait que c’est difficile. Alors petit tips : si vous voulez faire un vrai silence, faites en un qui vous paraît interminable, allez jusqu’à la gêne et même au-delà (mais sans le montrer dans votre attitude bien sûr), et peut-être aurez-vous fait un micro silence. Il faut bien avoir en tête qu’un silence de 3 secondes, pour les visiteur·euse·s c’est une mini-aération, pour la guide c’est ressenti comme durant environ 2 siècles.

Un silence, ça doit être fait par tout le corps. Si vous arrêtez de parler mais qu’en même temps vous fouillez dans votre sac, où vous détournez votre regard du groupe, où vous changez de posture, ça n’en est pas un. Pensez le silence comme un moment suspendu (ou jouez dans votre tête à 1, 2, 3 soleil) ! 

Une fois que le silence est maîtrisé et bien amené, c’est un vrai plaisir de se taire et d’avoir le public pendu à nos lèvres ! J’ai hâte que vous essayez et que vous nous disiez en commentaire (si le cœur vous en dit) comment vous avez ressenti ça !

Musicienne, comédienne et guide-conférencière, Lucille est une lyonnaise d’adoption : née en Normandie, elle voue encore un culte au beurre demi-sel. Aimant le théâtre et la musique, elle fut tour à tour spectatrice, régisseuse et prof.

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