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Photo de Lucille en visite faisant mine d'éternuer

[Les effets waouh] Les codes de jeu

On en parle régulièrement dans nos articles : dans notre pratique de visite guidée on s’inspire de tout : les bouquins, les films, les podcasts, les chaînes youtube… et bien sûr : le théâtre ! 

Au théâtre, il y a ce qu’on appelle les “codes de jeu” ou les “conventions théâtrales”. Ce sont des accords tacites entre les comédiens et le public. Des procédés qu’on n’a pas besoin d’expliquer et qui nous donnent énormément de liberté ! En voici quelques exemples.

Les paragraphes sur la transformation en personnage et sur le voyage dans le temps sans costume sont spécifiques à la visite théâtralisée, mais les paragraphes “Chuchoter en hurlant” et “changer radicalement de ton” peuvent tout à fait être utilisés en visites dites classiques.

Les code pour jouer avec le public

Voyager dans le temps sans costume ni accessoires

Le premier code de jeu implicite c’est que la guide comédienne parle seule, et sans aucun costume. Malgré ça, le public accepte d’être transporté dans une autre époque. Quand on fait une visite théâtralisée, on joue des personnages. La situation est parfaitement artificielle. On est une canuse (tisseuse) au 19e siècle et on débarque pour raconter notre vie. Ca n’a absolument rien de plausible, évidemment, et pourtant ça marche. Les gens ne posent pas de question. 

Il n’y a pas non plus besoin de costume (voir notre article sur le costume en visite) pour signifier quoi que ce soit. Il lui suffit que le personnage soit incarné et assumé. Personne dans le public ne trouvera ça anormal de voir une canuse du 19e siècle raconter sa vie aux groupes. 

Chuchoter en hurlant

On n’y pense pas non plus spontanément, pourtant : c’est toujours possible de se mettre à chuchoter quand on joue un personnage. Bien sûr, il ne faut pas vraiment chuchoter parce que dans la rue, avec 25 personnes, on ne nous entendrait pas, il s’agit plutôt de hurler en tamisant la voix pour “jouer le chuchotement”. 

Il est aussi possible de parler à une seule personne en chuchotant pour lui faire croire qu’elle seule doit entendre, que c’est un secret. Tout le reste du public aura entendu, tout en comprenant qu’ils ne sont pas censés entendre et ça peut créer de bonnes situations comiques ! 

L’excellente chaîne youtube “Confessions d’histoire” utilise beaucoup ce procédé. Dans l’extrait qui suit, à 2,05mn, les deux personnages sont dans le même espace, l’un à côté de l’autre, et pourtant, ils parlent chacun leur tour en direction de la caméra pour s’adresser directement au public. L’autre personnage est flouté et se tait. Cela suffit pour que le public comprenne qu’ils ne s’entendent pas l’un l’autre.

Changer radicalement de ton

On est tellement libre lorsqu’on joue un personnage ! On peut changer radicalement de ton pour faire un effet de surprise. On peut mimer une action. On fait ça dans notre visite historique et coquine. D’un coup on se tait et on mime un médecin qui fait un examen anatomique d’un patient. C’est toujours un moment très drôle. Et comme c’est assez atypique en visite guidée, ça attire l’œil des passant·e·s. 

Ça permet également une respiration : pendant un temps on ne parle pas mais on raconte autrement. On peut aussi faire un ralenti sur une action pour étirer le temps, le resserrer au contraire, s’immobiliser, etc.

Et on vous en a déjà parlé plusieurs fois, mais il y a aussi le silence qui est possible. L’article entier sur le sujet est ici

Notre code principal : la transformation

Et enfin, ce code de jeu on en use et on en abuse dans nos visites : on peut se transformer en différents personnages. Au cours de nos visites théâtralisées, on n’incarne jamais un seul personnage, mais plusieurs. Pour ce faire, on met en place un code de jeu avec notre public. Chaque guide de l’équipe a son propre code, mais l’idée générale c’est que le public comprenne : quand le guide fait tel geste, il devient un nouveau personnage. Moi  par exemple, j’éternue. A chaque nouveau personnage j’éternue. Au moment où j’éternue, je tourne le dos au public, ce qui me laisse le temps de me mettre dans la posture de mon personnage et ce qui laisse le temps au public d’intégrer le fait que je change de personnage. Et une fois que je me retourne, je suis quelqu’un d’autre.

Avec le temps, il m’arrive de ne même plus utiliser l’artifice de l’éternuement. Je me retourne, je change de posture et tout le monde a compris ! Mais la mise en place de ce code (que ce soit un éternuement, le mime d’une transcendance, une cloche qu’on agite…) est rassurante dans un premier temps. 

Nul besoin d’expliquer.

Ces codes que nous mettons en place, nous n’avons pas besoin de les expliquer. Ils font partie du langage du théâtre. Et même pour les public qui n’ont pas forcément l’habitude d’aller au théâtre, ils sont suffisamment limpides pour ne pas avoir besoin d’être expliqués. Quel que soit le code choisi parmi les exemples ci-dessus, à partir du moment où on se situe dans “le théâtre”, le public comprend. Il faut juste être très clair dans le jeu et l’assumer à fond. Pour trouver l’inspiration, on ne saurait que trop vous conseiller d’aller voir des bonnes troupes de commedia dell’arte. Ce type de théâtre ancien était joué dans la rue (comme nos visites) et devait attirer le chaland (pas comme nos visites), ce sont donc des codes très simples, très efficaces, et très immédiats. C’est une excellente source d’inspiration pour nous les guides comédiennes !

Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

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