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Ne pas s’ennuyer avec la même visite depuis 10 ans…

C’est une sacrée idée reçue du public sur les visites guidées : au bout d’un moment, on récite toujours la même visite, on finit par s’ennuyer, être aigrie, et on devient la caricature de “la guide qui récite son texte” et qui endort le public. 

Ça peut arriver…

Dans toute ma carrière, la seule fois ou je me suis rendue compte que je passais rapidement en mode “magnétophone”, c’était lors d’un job ou j’avais exactement le même parcours avec le même contenu 4 ou 5 fois par jour, et des groupes très semblables (touristes adultes et francophones). 

En plus, j’étais en tout début de carrière et je n’avais pas encore conscience de beaucoup d’aspects importants de notre métier. 

À part ce cas de figure très particulier (qui a duré 2 mois, un été), je n’ai jamais eu l’impression de m’ennuyer. Même avec notre visite contée de la Croix-Rousse dont l’histoire n’a pas changé depuis 2014, qui est notre best-seller, et qu’on mène absolument tout le temps. On a formé des stagiaires, des comédien∙ne∙s, bref. On l’a toujours en tête : c’est celle que l’on ne révise plus, même après 6 mois de confinement.

…mais c’est quand même difficile de s’ennuyer !

Et pourtant, cet été, alors que j’ai mené cette visite de la Croix-Rousse presque tous les après-midi, j’ai réalisé que je ne m’ennuyais jamais. Déjà, parce que mes groupes sont tous un peu différents, et que je maîtrise suffisamment le sujet pour faire varier plein de petites choses selon la composition du groupe : s’il y a plutôt des lyonnais∙es ou non, s’il y a des enfants ou pas, de quel âge, etc. 

Les changements que j’apporte à chaque visite sont minimes, mais ils me tiennent en alerte, et me permettent de ne jamais être passive (et donc de ne jamais avoir l’impression de m’ennuyer).

Si à un moment, je perçois un regard interrogateur, je vais rajouter trois ou quatre phrases pour développer tel ou tel sujet. Ou bien, s’il y a des enfants et je vais expliquer tel sujet complexe autrement que lorsqu’il n’y a que des adultes.

Ce sont toutes ces petites adaptations qui sont en réalité des attentions au public qui accaparent une bonne partie de mon attention et me permettent d’avoir l’impression de faire une visite différente à chaque fois.

S’amuser, chercher, tester !

Et puis quand je sens que c’est un groupe “habituel”, que je vais faire la visite “classique” sans avoir besoin d’adapter quoi que ce soit de particulier, je me mets des petits challenges. Ce sont souvent des petits défis sur la manière dont je conte (mon corps, ma voix, mes mouvements), ou bien sur les mots que je choisis pour transmettre telle ou telle émotion. 

Pour reprendre mon exemple de la Croix-Rousse, ces derniers temps j’ai beaucoup fait évoluer une scène très forte émotionnellement de cette histoire. 

(ATTENTION SPOILER : C’est une scène où l’un de nos personnages principaux se fait tirer dessus et meurt sous les yeux du public. Voilà. Vous connaissez la fin. Déso.)

J’ai essayé plein de choses pour donner un relief différent à ma scène ou pour essayer de lui donner encore plus d’intensité (elle en a déjà pas mal). Par exemple, j’ai tenté des accélérations de rythme et des pauses à des moments différents de ceux que je faisais habituellement. J’ai aussi changé quelques mots, et je me suis rendue compte que ça me faisait une phrase avec des super allitérations en “p”, idéal pour une scène dans laquelle il y a des coups de feu ! Alors je me suis amusée avec, j’ai essayé de faire ressortir les nombreux “p” de ma phrase pour donner plus de puissance à ce que je dis, contrasté avec un plus grand silence juste après…

Doit-on toujours être en constante création ?

Évidemment, parfois, on est en mode “pilote automatique” ou “magnétophone” et ce n’est pas grave. Parfois, on est très fatigué.e et on a juste l’énergie pour assurer le minimum. Parfois, il y a beaucoup de bruits et de distractions autour de nous, un enfant qui pleure pendant toute la visite, des choses qui nous empêchent de faire tout ce travail intérieur. 

C’est rassurant de savoir qu’on a aussi un mode “pilote automatique” qui va fonctionner, où tout se passera très bien et où nos visiteur∙euses seront très content∙e∙s.

Mais les meilleurs moments c’est quand on se surprend soi-même à exprimer les choses différemment et à réinventer le texte ou les émotions. Il y a tellement de choses à essayer, à tester, que même avec une visite qu’on a mené des centaines de fois à l’identique, ça nous paraît impossible de s’ennuyer !

Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

Cet article comporte 2 commentaires

  1. Bonjour,

    Je suis guide à temps plein dans une abbaye et je fais donc essentiellement des visites du monument, jusqu’à 3 voire 4 fois par jour selon la saison pour la visite « classique ». J’ai les plus grandes difficultés à ne pas me sentir ennuyée de faire « encore » la même visite. Pour moi, quel(le) que soit la thématique ou le public, une visite de l’abbaye reste une visite de l’abbaye.
    J’ai lu avec grande attention votre article mais peut-on vraiment lutter contre la sensation d’ennui quand cela concerne une visite que l’on fait plusieurs fois par jour ?

    1. Bonjour Laurelyne,
      Nous n’avons pas vraiment de réponse à cette question. Il nous semble qu’il peut toujours y avoir un peu de latitude, que sur une visite de 1h ou 2h, il y a sans doute bien plus de choses à dire et que le contenu n’est sans doute pas figé au point d’être absolument exactement le même à chaque visite.
      Mais nous ne sommes pas dans votre situation, sans doute avez-vous déjà essayé de changer le maximum et il n’y a rien d’autre à faire ?
      Dans tous les cas : bon courage !

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