Skip to content
alphonse et le lion spaghetti

Pour être entendu·e·s, chouchoutons nos publics !

Pour écouter cet article, plutôt que de le lire, voici la version podcast.


Le public n’a pas idée de tout ce qu’on a en tête pour prendre soin de lui.

On nous dit régulièrement à l’issue de nos visites : “C’était très intéressant !” ou “Je ne sais pas comment vous faites pour retenir tout ça !”. Effectivement c’est une partie de notre travail de guide. Sélectionner et retenir les informations. Mais c’est le travail fait en amont de la visite. Quand on est en “face public” ce job là est terminé et la préoccupation première est : Comment faire pour que ces informations intéressantes que j’ai sélectionnées et retenues arrivent jusqu’à mon public ?

Notre réponse chez Cybèle : en chouchoutant notre public !

Soit, mais comment ? Voici quelques éléments de réponse.

L’art de la parole.

Déjà il faut du style. Pour que les visiteureuses* aient envie de nous écouter, il faut choisir ses mots et la manière dont on va transmettre notre contenu. Un roman peut avoir un récit des plus captivants, ce qui fera sa qualité c’est la plume. Pour une visite c’est pareil. Les informations sélectionnées peuvent être extrêmement riches, si on les donne de manière brute et sans relief, elles perdent tout leur intérêt. Alors pour que toustes aient envie de nous écouter, prenons soin de notre langue. 

Attention, nous ne disons pas qu’il faut nécessairement un langage soutenu. Selon ce que l’on raconte, selon l’émotion que l’on souhaite provoquer, selon le rapport que l’on souhaite instaurer avec ses visiteureuses, l’adresse peut être léchée comme tout à fait relâchée, voire vulgaire, mais quoi qu’il en soit, elle doit être sciemment utilisée. Choisir finement ses mots permet également de s’adapter à son auditoire. 

De manière générale, nous mettons un point d’honneur à ce que l’auditoire ne se sente pas ignorant. Pour cela il faut faire très attention aux références culturelles et au vocabulaire employé. On peut facilement être snob en visite. On a étudié pour la plupart le vocabulaire spécifique de notre sujet. Beaucoup de médiateurices ont une formation universitaire dans le domaine qu’ils vulgarisent (médiation scientifique, historique, architecturale…). Et si nous n’avons rien de tout ça, nous avons au moins potassé notre sujet. Il faut donc toujours nous rappeler que nous nous adressons à toustes. Chaque visiteureuse a son sujet de prédilection et ses références culturelles, différentes des nôtres. Alors expliquons chaque mot que l’on n’utilise pas au quotidien. Et faisons-le de manière fluide sans appuyer avec un “pour ceux qui ne savent pas” ou “comme chacun sait”. C’est humiliant pour ceux qui ne savent pas (et qui savent plein de choses qu’on ignore)… Ne soyons pas (trop) sadiques avec nos visiteureuses !

Quand on demande à une personne de caricaturer un.e conférencier.ère, la première phrase prononcée est souvent : “Il faut savoir que…”. Moi je pense qu’il n’y a rien qu’il FAILLE savoir, chacun.e est libre de prendre ce qu’il veut du discours qu’on leur fait 😉

Tout ce qui ne se dit pas par les mots.

Outre le texte et les mots, il y a la présence. Le guide est physiquement là avec pour seuls outils sa voix et son corps. Les mêmes outils que les acteurices sur leur scène. On ne transmet pas uniquement ce que l’on dit. On transmet aussi ce que l’on est par ce qui se dégage de nous, de manière plus ou moins maîtrisée. En début de carrière, nous ne sommes pas en maîtrise de tout cela, puis petit à petit, soit par l’expérience, soit en le travaillant, on apprend à gérer ses outils (tout en sachant qu’on n’en aura jamais la complète maîtrise). Parler fort et de manière audible sans se faire mal à la voix. Être visible de tous et s’exprimer autant physiquement que verbalement. Chez Cybèle nous continuons à suivre régulièrement des formations, auprès de notre conteuse Sylvie Delom, prenons des cours de chant, allons voir des phoniatres, faisons des stages de commedia dell’ arte…

Ne lésinons pas sur l’utilisation des bras, des jambes, et du corps tout entier. Lorsqu’on forme nos stagiaires, le travail passe toujours par l’exercice de l’ampleur. Nous les poussons à “en faire des caisses”, à s’agiter de manière caricaturale à s’en rendre ridicule. Bien souvent nous constatons que lorsqu’on donne le maximum, c’est tout juste assez pour être visible et impactant pour les visiteureuses. Nous sommes seul.e face à un groupe, nous sommes dans la rue pleine de mouvements et de bruits, les distractions sont nombreuses et permanentes. Nous devons êtres plus fort.e.s que notre environnement. C’est pour ça qu’après 1h30 de visite nous sommes fatigué.e.s !

Chouchouter son public pour qu’il profite (rechercher les conditions du cinéma dans la rue)

Pour prendre soin de notre public il faut aussi l’installer précisément là où il sera bien (selon le lieu, la météo, la foule, le bruit…), là où il verra ce que nous souhaitons montrer, face à vous pour la projection de la voix. Mais le public n’est pas conscient de tout cela. Si vous laissez chacun.e libre de s’installer où iel veut, ce sera vite le bazar, c’est pourquoi le.la guide doit se poser la question pour le groupe, puis l’inviter avec bonne humeur mais fermement à s’y installer pour qu’il soit dans les conditions optimums pour suivre la visite. 

Idéalement, si cela est possible, c’est toujours bien que le public puisse s’asseoir confortablement. Finalement, quand l’été on installe le public à l’ombre et que nous, guides, sommes au soleil, nous recréons les conditions optimales. Comme si nous étions au cinéma. Eux dans l’ombre, nous dans la lumière. Eux prêts à nous écouter, nous prêts à les emmener dans nos histoires. Eux seuls avec nous, nous là pour chacun. 

Mais pour les guides, pas de lever de rideau, pas d’extinction des lumières de la salle, pas de coups de bâton pour faire le silence, alors à nous de recréer tout ça par l’installation du public et l’accaparation de toute l’attention de chacun.e. Et une fois que c’est là, pas avant, nous pouvons commencer à parler…

Bonnes visites à toustes !


*En ce moment, nous testons différentes formes d’écritures inclusives. Ne soyez pas surpris.e.s, certains mots sont inhabituels, mais rassurez-vous tous sont compréhensibles !


Musicienne, comédienne et guide-conférencière, Lucille est une lyonnaise d’adoption : née en Normandie, elle voue encore un culte au beurre demi-sel. Aimant le théâtre et la musique, elle fut tour à tour spectatrice, régisseuse et prof.

Cet article comporte 0 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back To Top