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Se défaire des tics de langage du « parler guide »

Quand on est guide, on parle beaucoup (c’est la base !) et on parle face à un auditoire, en « représentation ». Le problème, c’est que personne ne nous apprend vraiment à parler correctement. Sur scène, les comédiennes et comédiens ont des textes la plupart du temps. 

Quand on est guide, on improvise en permanence, ce qui est bien plus difficile que d’apprendre des textes ! Et comme pour beaucoup d’autres facettes essentielles de notre profession, personne ne nous apprend à le faire correctement.

À force de nous suivre les unes les autres au sein de l’équipe Cybèle, à force de suivre des visites de confrères et consœurs, et à force de faire des formations, nous avons remarqué un « parler guide ». Une façon de parler que seules les guides utilisent. Cet article a pour objectif de décortiquer ces quelques tics de langage pour vous aider à les repérer et à les modifier si ces tics vous gênent.

Les mots en trop

On en a déjà pas mal parlé dans notre article sur le silence, quand on est guide on aime remplir nos phrases, nos creux, nos silences de mots en trop. 

Ce sont des mots de liaison inutiles qui n’ont aucun intérêt pour la compréhension. Ce sont des mots qui nous rassurent et qui enrobent notre discours d’un petit matelas sécurisant. Malheureusement, ce petit matelas est bien confortable pour nous, mais étouffant pour le public qui doit rester concentré pendant toute la phrase pour n’en sortir qu’un petit morceau intéressant. 

Quelques exemples que vous avez déjà entendu, voire même que vous dites vous aussi (on est tous·tes passé·es par là !)

  • « Eh bien voilà donc nous sommes ici dans le salon »
  • « Alors c’est vrai qu’on peut remarquer un décor impressionnant »
  • « Le peintre a voulu eh bien représenter tout simplement les émotions de la nature »

Vous avez déjà entendu ou prononcé ces phrases ? (Nous oui !) On pourrait les remplacer par :

  • « Nous sommes dans le salon »
  • « Regardez ce décor impressionnant »
  • « Le peintre a voulu représenter les émotions de la nature »

Tous ces mots rajoutés sont inutiles mais devenus des habitudes, et quand on a commencé, c’est difficile de s’arrêter. Parmi les plus gros tics chez les guides, on remarque entre autres : « Eh bien » « finalement » et tous les petits mots comme donc, voilà, du coup, etc.

Le futur

Un autre tic de langage très prisé par les guides, c’est de parler au futur. Dans certains cas, c’est justifié. Mais la plupart du temps, c’est juste le « parler guide » qui veut ça, et qui ne nous semble pas du tout nécessaire.

Voici un exemple où la concordance des temps justifie l’utilisation du futur.

« L’empereur envisage la construction du palais pour son épouse, mais l’impératrice ne viendra jamais visiter ce palais »

Ici l’utilisation du futur est justifiée car on dit que l’empereur « envisage » et on parle depuis ce moment-là. Comme nous savons ce qui va se passer après le moment où il envisage le palais, on peut utiliser le futur pour dire que l’impératrice ne viendra jamais.

Pour aller plus loin sur cette question, nous avons lu cet article de Françoise Revaz, linguiste et spécialiste de la “narratologie” : « Le présent et le futur « historiques » : des intrus parmi les temps du passé ? »

La chercheuse explique que le présent est naturellement utilisé pour raconter le passé lorsque l’on souhaite « faire vivre au lecteur les événements rapportés “comme s’il y était” ». En revanche, le futur est utilisable de façon ponctuelle, lorsque l’on se réfère à quelque chose que l’on projette par rapport aux événements décrits. 

Raconter un événement passé en n’utilisant que le futur est en revanche une erreur de langage d’après les linguistes. Mais surtout, nous constatons que cette pratique alourdit considérablement le texte et empêche le public d’être pleinement attentif. 

Comment faire pour changer ces tics ?

D’abord, il faut avoir conscience des choses que l’ont dit sans y penser et qui ne servent à rien. Rajouter des mots est parfois utile, du moment qu’on sait pourquoi on le fait. Parler au futur peut l’être aussi, si c’est un effet que l’on choisit. L’essentiel est de ne pas subir ces tics, mais de rester maître(sse) de son discours. 

C’est le plus difficile. Pour se défaire de ces tics, il faut se faire violence. Il faut s’enregistrer, s’écouter parler (oui parfois ça a du bon de s’écouter parler ^^), et se forcer à redire les phrases. 

Ce travail peut se faire sur des visites et des contenus que l’on maîtrise, pour que le coût cognitif ne soit pas trop important. S’il faut se concentrer sur ce qu’on dit parce que le sujet est trop frais, où que le groupe est compliqué, ce n’est pas le moment d’y travailler. Mais dès que c’est possible, il faut s’y atteler un peu, et ainsi perdre ces mauvaises habitudes pour retrouver un discours fluide et léger.

Si vous avez des trucs à nous partager, n’hésitez pas à le faire en commentaire !

Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

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