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Une visite guidée pensée comme une expérience

Un guide est-il un personnage ?

Tout a commencé il y a 3 ans, sur twitter, avec un tweet :

Capture d'écran d'un tweet avec le message : Je ne sais que penser des guides conférenciers acteurs... visite burlesque de la #Bourboule #Sancy  via 
@Grempower
et une photo d'une guide en robe du 18e

L’autrice du tweet rajoute : “certains pensent déjà que les guides devraient être des clowns …

Je réagis : “le guide EST un acteur et les techniques dont il a besoin sont celles du théâtre !” et on me répond : “Oui, mais on ne joue pas un rôle, grosse différence ;-)”

C’est précisément là que je ne suis pas d’accord, et c’est également ce qu’il manque au milieu du guidage et de la médiation. Nous devons l’accepter, en visite guidée, nous sommes des personnages.

C’est un quoi un personnage ?

Wikipedia le définit ainsi : “Personnage désigne une personne à laquelle on affecte une fonction” et plusieurs types de personnages sont ensuite définis : personnage historique, personnage de fiction, personnage de théâtre. En dessous de “personnage de théâtre” il y a :

  • Un personnage type, un rôle se référant à un cliché (le prince charmant, le tueur en série, la femme fatale, le jeune premier, etc.)

C’est exactement ce qu’est un guide. Un personnage type. Il est notamment défini ainsi : “le rôle est implicitement évoqué par le stéréotype”.

L’article précise : “Afin d’attirer le plus grand nombre de spectateurs, les scénaristes de films à grand budget qui ne sont pas concernés par les films d’auteur ont donc tout intérêt à faire appel aux idées reçues contenues dans les interactions entre ces personnages fictifs stéréotypés”. C’est un personnage que l’on connait déjà. On l’a déjà rencontré dans d’autres histoires, d’autres visites. On connait ses codes, on sait ce qu’il va nous proposer. Tout le monde peut l’appréhender facilement, il conviendra au plus grand nombre de spectateurs.

Attention, le personnage type n’a rien de péjoratif. La commedia dell’arte ne fait jouer que des personnages types, Molière a fait de même. Cela ne veut pas dire non plus que tous les personnages sont absolument identiques. Ils répondent à un certain nombre de codes, on attendra d’eux un certain nombre de choses mais au delà de ça, chaque personnage a sa propre histoire, son caractère, ses émotions, son langage et son style.

À Pontigny (photo ci-dessus), j’aimais bien commencer les visite en chantant quelque chose dans l’église. Mon personnage aimait donner à entendre l’acoustique du lieu…

Un guide sera constamment jovial, fera sans arrêt des petites blagues en faisant un petit clin d’oeil et s’émerveillera devant tout. Un autre sera pince-sans-rire, presque cynique, avec un humour un peu décalé. Un troisième sera tellement passionné qu’il parlera avec une sorte de passion mystique enflammée. Si vous avez déjà fait des visites guidées, vous avez sans doute déjà vu ces personnages, entre autres.

“Mais c’est simplement la personnalité du guide !” me répondent déjà certains. Oui, en partie, et on y reviendra dans le paragraphe suivant. Et non parce que même si j’ai une nature enthousiaste et joviale, il y a des jours où je suis déprimée et je n’ai envie de parler à personne. Si je dois faire une visite un de ces jours là, je dois obligatoirement retrouver mon personnage enthousiaste et jovial. Ce n’est pas moi qui fait la visite ce jour là, moi je suis déprimée.

Comment se définit mon personnage de guide ?

D’abord, comme je l’ai mentionné plus haut, mon personnage de guide, c’est un peu de moi. C’est ma personnalité et mon caractère, mais ils seront nécessairement exacerbés car je suis sur scène, devant un public.

Lorsque je connais mon personnage, son caractère, sa personnalité, son histoire et ses envies, mais aussi sa façon d’entrer en relation avec les autres, je choisis quelles informations ce personnage doit délivrer.

Si je fais visiter une église lors d’une visite de quartier, je peux y passer 10 ou 15 minutes, peut-être 20 au maximum. Pendant ce temps très court, je ne peux pas tout dire. Je dois choisir entre : des personnalités qui l’ont fait construire, des techniques de construction, de la spiritualité qui a dirigé cette construction, des éléments de décors, lire les vitraux, etc. Si mon personnage de guide est clair et assumé, alors il sera facile de choisir. Ce choix sera naturel et le visiteur n’aura pas l’impression que je serai passée à côté d’une information importante.

Je suis toujours frappée de voir à quel point les gens sont sensible lorsque je leur dit que je suis passionnée par telle ou telle chose et que je prends le temps de leur expliquer : ils réagissent systématiquement. Ils se sentent impliqués.

On m’a raconté récemment une visite sur un sujet très spécifique. La guide a commencé la visite en disant “Vous savez, cette visite c’est une commande, ce n’est pas un sujet qui m’intéresse, ni dans lequel je suis particulièrement compétente.” Je crois qu’on ne peut imaginer plus mauvais départ. Le personnage créé dès la première minute est sans envie, et sans intérêt. La personnalité de la guide est peut-être jovial et enthousiaste, mais c’est un rôle différent qu’elle choisit de jouer. Comment avoir envie de la suivre ?

Un personnage qui ne manque pas de sérieux.

Un guide conférencier, tout sérieux qu’il soit, a le droit d’être un personnage. Cela ne lui enlèvera ni son sérieux, ni la qualité de ce qu’il dit. Cela lui rappellera juste qu’il a des émotions, et qu’il doit les utiliser. Qu’il n’est pas wikipedia, un dictionnaire ou une frise chronologique.

Il est un personnage qui pense, qui aime, qui ressent, et qui a choisi de dédier sa carrière à raconter des histoire à des gens qu’il ne connait pas…

La parole ne sera pas abstraite, conceptuelle. Elle sera enracinée, incarnée dans un personnage qui osera naturellement donner son avis sans juger, sans que personne ne soit dérangé par cette attitude. Un personnage qui essayera de transmettre une émotion, en même temps que des connaissances…

Et d’expérience, je crois que c’est la seule chose qui fonctionne.

Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

Cet article comporte 2 commentaires

  1. Merci pour cette réflexion. Je ne sais pas si je suis d’accord. Ce métier demande de l’authenticité (avec soi même et les autres), pour être à l’aise face au public et se sentir légitime sur un site. À mon avis, C’est plutôt l’effusion, qu’offre le cadre de la visite guidée ( intérêt du site + intérêt pour la communication + présence d’un public) qui crée une sorte de « sur-personnalité » (intéressée, passionnée, communicative)…. Je ne sais pas si je parlerai de personnage (je ne veux pas me glisser dans un rôle à moins que le rôle vienne à moi)…

    1. Merci François pour votre réflexion,
      je pense que nous avons à peu près la même vision des choses mais pas tout à fait la même façon de les nommer. Ce que vous nommez « sur-personnalité » nous le nommons « personnage ».
      Nous avons tendance à nous méfier de « l’authenticité » car dès lors qu’on y pense un peu trop, on la travaille, et l’authenticité disparait pour laisser place au personnage… 😉
      Dans tous les cas, l’essentiel est d’être conscient de tout cela, et d’y prêter attention dans toutes nos visites !

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