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Une visite classique ressentie théâtralisée

Aujourd’hui on voudrait vous faire le récit d’une expérience qui s’est passée il y a un petit moment déjà mais dont on parle encore. Qui nous a beaucoup intriguées. Il va y avoir pas mal de contexte. 🙂 

Il était une fois…

Un jour, je devais accueillir un groupe pour notre visite “Lyon j’y aime”.

C’est une visite de 2h qui commence en haut de la colline de Fourvière avec le panorama et la basilique, puis on descend de la colline par les jardins et on termine dans le Vieux-Lyon avec les traboules. Pendant cette visite, on parle des grands moments de l’histoire de Lyon. C’est une visite avec un parcours et un contenu vraiment 0% insolite. Tout le monde fait ça. 

Par contre, le format est théâtralisé comme toujours. 

Donc c’est Lucius Munatius Plancus en personne qui raconte comment il a fondé la ville à l’Antiquité, et c’est Philémon un aristocrate imaginaire de la Renaissance qui parle de ce qu’il découvre à Lyon au 16e siècle. Il y a Guignol, il y a aussi Louis Pradel le maire qui est accusé d’avoir voulu détruire la ville (alors que pas du tout ^^) bref. Une visite théâtralisée de chez Cybèle. 

En plus de tout ça, pour les entreprises, on avait rajouté des petits quiz rigolos pour leur vendre un truc “team building”. 

Sauf que…

Ce groupe que je devais accueillir a eu des grosses galères pour arriver, finit par me rejoindre avec plus d’une heure de retard mais ne peut surtout pas terminer la visite après l’heure prévue (classique, là aussi). 

Je propose à la responsable d’enlever les quiz qui prennent beaucoup de temps pour se concentrer sur le contenu, mais elle tient absolument à garder le quiz en équipe.

Je me retrouve donc à devoir gérer un parcours assez long (il faut bien descendre de la colline !) et des quiz qui prennent pas mal de temps en seulement 50 minutes. 

Pas d’autre solution : je n’aurai pas le temps de jouer mes personnages. Pour qu’une scène avec un personnage soit efficace, il faut quand même qu’on ait un peu de temps pour poser le personnage, l’introduire, qu’il développe un peu son propos, moins de 5 minutes par personnage c’est inutile. Et là, je n’ai vraiment pas 5 minutes par personnage. 

Pour les quelques scènes que je garde, je fais une mini intro explicative la plus courte possible, et je passe au quiz. Parfois, je fais simplement une petite explication sur quelque chose, mais impossible de théâtraliser quoi que ce soit, je n’ai pas le temps.

On ne fait pratiquement jamais ça chez Cybèle, c’est une visite vraiment 0% théâtralisée. Ce sont des explications explicatives, pas de conte, pas de personnage, nada. Une visite classique. 

Et là…

On termine la visite à l’heure (ouf !), le groupe est RAVI, certaines personnes viennent me voir avant de repartir et me disent : « On s’est régalés, c’était vraiment super ! Vous faites du théâtre ? »

Je bloque. 

La question « Vous faites du théâtre ? » on me la pose tout le temps. Mais là je n’ai RIEN joué. Je n’ai interprété aucun personnage. Je réponds ma réponse habituelle mais je me demande comment c’est possible qu’on me pose cette question !

Il y a le théâtre, et le “ressenti théâtre”

J’ai essayé d’analyser ma visite. On en a beaucoup parlé entre collègues. Pourquoi mon groupe a eu l’impression que je faisais quelque chose de “théâtral” alors que de mon côté, j’avais l’impression de faire des explications très classiques ? 

Au final, on en est arrivé à la conclusion suivante. 

Après 12 ans de visites théâtralisées, on a vraiment intégré une posture très engagée dans le corps et dans l’intention quand on parle. Même quand on ne conte pas, quand on ne joue pas, on ne peut pas s’empêcher de faire de grands gestes, de jouer avec la voix, de faire des effets pour mettre du rythme, de la nuance, des contrastes. 

C’est probablement cette façon de parler qui est ressentie comme très “théâtrale” qui est devenue normale pour nous, mais qui n’est pas forcément l’idée que se font les gens d’une visite guidée. 

Qu’est-ce que ça dit ?

Au final, après avoir analysé ça en équipe, après avoir relié ça avec ce qu’on raconte dans nos formations, on se dit qu’on n’a pas besoin de jouer des personnages, de faire des visites contées pour que les gens aient vraiment l’impression de vivre une expérience unique et hors du commun. Pour qu’ils se croient “au théâtre”. 

Même les visites classiques peuvent prendre tout un relief pour faire vivre un discours classique, “explicatif” ! Et il n’y a pas forcément besoin de changer son contenu, on peut très bien continuer de raconter les mêmes choses mais apprendre à les raconter autrement pour faire vivre ses visites autrement ! 

Guide, musicienne et conteuse, Clémence est un peu lyonnaise et 100% Rhônalpine : elle fut nourrie à la crème de Bresse et à la châtaigne d’Ardèche. Passionnée par le monde médiéval et l’architecture, elle adore raconter des histoires.

Comments (4)

  1. Bonjour
    Le titre de votre article m’a beaucoup intrigué… Mais ce qui vous est arrivé à cette visite m’arrive très régulièrement. On me demande souvent si je fais du théâtre (c’est effectivement le cas en amateur, pour le loisir). Je fais une seule visite véritablement théâtralisée et en costume d’époque… Mais je théâtralise toutes les autres grâce à mes gestes, mes changements de rythme, de volume etc. Étonnant que vous n’ayez eu la remarque qu’à cette occasion ?
    Bonne continuation !
    Christelle, guide Conférencière en Bourgogne Franche-Comté

    1. Bonjour Christelle,
      je vous rassure, c’est loin d’être la seule fois où on nous a fait la remarque.
      En fait, on nous le demande pratiquement à chaque visite, mais nos visites sont toutes théâtralisées (nous incarnons réellement des personnages sans costume). Cet article parle de la seule fois où nous n’avons PAS théâtralisé, incarné aucun personnage, et on nous a tout de même posé la question !

  2. Bonjour,
    Cet article rejoint tellement ma pratique ! Je ne suis pas (encore ?) passée à une visite contée ni en costume, mais je vis mes visites, je ne récite pas, je raconte, je commente, je rebondis sur les réflexions, questions, remarques. Je joue beaucoup avec mes yeux et expressions du visage autant qu’avec mes gestes. Et on me dit aussi que c’est théâtralisé, ou simplement vivant, captivant ! A vrai dire, parfois, il n’en faut pas beaucoup pour embarquer le public…

    1. Merci Odile pour votre commentaire.
      Comme vous le dites, il n’en faut pas tant que ça pour rendre une visite vivante ou même vue comme « théâtrale ». Il suffit que le public soit face à une personne vive et réactive, un·e guide qui se fait voir et entendre de tout son auditoire… bref qui soit dans l’instant présent !

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