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Chers visiteurs, on ne vous ment pas (trop) !

Dans nos visites contées et théâtralisées on utilise la fiction pour transmettre nos histoires. Dans la majorité des cas, les visiteurs comprennent assez rapidement qu’il s’agit d’une fiction. Les plus jeunes et les plus crédules nous demandent frontalement “Mais c’est vrai ou pas ?”, les autres nous demandent quelle est la part de réel et quelle est la part imaginée. Tout au long de la visite, nos réponses restent évasives. On demande aux participants de nous faire confiance, de prendre notre histoire comme elle est, et on leur promet qu’en fin de parcours on fera la part des choses. Et de fait, qu’on nous pose ou non la question de la véracité de nos propos, nous prenons toujours le temps d’en parler en fin de parcours.

Faire la part des choses pour rassurer…

En prenant ce temps-là, on rassure le public sur ce que l’on raconte. Ça permet à chacun de faire la distinction claire entre réel et fictif. Et comme le public est rassuré de ne pas être pris pour un lapin de trois semaines, ça nous autorise à aller complètement dans la fiction, sans peur que l’auditoire ne se sente berné par nos histoires.

On fait toujours ce point en toute fin de visite. Le public est ainsi embarqué pleinement dans l’histoire, sans être pollué par des questionnements sur la véracité des propos. Et après seulement, on explique.

La fiction n’est pas un mensonge.

Au début des visites Cybèle, on appelait ça entre nous “le rétablissement de la vérité”. Mais on ne trouvait pas ça très juste. Ça laisserait penser qu’on aurait menti. Ce n’est pas comme ça qu’on envisage nos fictions. Elles ne sont pas des mensonges. On fait de longues recherches dans les livres d’histoire pour les écrire et ce sont ces recherches que l’on veut transmettre à nos publics. Maintenant on appelle plutôt ça “la citation des sources”. Mais ce n’est toujours pas si juste. On ne fait pas que dire d’où viennent les informations.

Il s’agit de parler des recherches historiques que nous avons faites, de ce que nous avons eu envie de transmettre et de revenir sur ce qui relève de la fiction dans nos histoires. Ce moment nous permet de dire comment on construit nos récits et de faire comprendre notre démarche. 

Un autre rapport au public.

Ce temps pris en fin de visite est extrêmement important, non seulement pour ce qui vient d’être mentionné, mais aussi parce que c’est un moment où notre position de guide change et le rapport entre nous et le public n’est plus tout à fait le même. Durant la visite j’ai une posture de conteuse, je déroule le fil d’un récit avec une énergie et une posture toute particulière qui ne laisse que peu de place aux questions. Mon objectif est de transmettre mon histoire.

Pendant “la citation des sources”, je suis davantage apte à prendre en compte les question. Je ne suis plus dans le récit mais dans le lien avec les visiteureuses. La recherche d’authenticité tant chérie dans notre société et notamment dans le domaine de la visite guidée et de la médiation en générale… eh bien à ce moment-là, je pense qu’on y est pleinement, dans l’authenticité !

Et puis la vérité, c’est quoi ?

On aurait beau être la guide la plus neutre de l’histoire du guidage, ne se basant que sur des thèses d’historiens extrêmement solides… on ne dirait pas la vérité pure. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’elle n’existe pas. Les documents d’archives ne sont déjà qu’une vision partielle, donc erronée de l’histoire, puisqu’on n’a gardé que certains documents et pas d’autres, que ces documents ont été écrits et conservés par ceux qui avaient le pouvoir (sinon on aurait autant de documents concernant les femmes que les hommes qui représentent chacun la moitié de la population par exemple). Et les historiens interprètent l’histoire selon la société dans laquelle ils vivent, les pensées qui la caractérise, selon leur analyse personnelle et leurs biais aussi…

Quant à nous, guides, nous avons aussi un avis sur les sujets qu’on aborde et cet avis transparait nécessairement dans notre discours. Alors, soyons un peu humbles et assumons notre incapacité à transmettre l’inexistante vérité historique.

Musicienne, comédienne et guide-conférencière, Lucille est une lyonnaise d’adoption : née en Normandie, elle voue encore un culte au beurre demi-sel. Aimant le théâtre et la musique, elle fut tour à tour spectatrice, régisseuse et prof.

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