La visite contée n’est pas (que) pour les enfants
Le conte réservé aux enfants ?
Quand on fait une recherche de conte sur internet on tombe toujours sur des sites pour les enfants. Quand on pense conte, on pense aux enfants, forcément.
Chez Cybèle on passe beaucoup de temps à expliquer que nos visites contées s’adressent aussi aux adultes. La pensée dominante est que le conte, c’est enfantin. Alors que je vous assure que quand, dans notre visite historique et coquine de Lyon, on dit deux contes africain qui s’intitulent “Comment l’aiguillon vînt aux hommes” et “Comment vînt aux femmes la bouche d’en-bas” on n’est pas franchement dans un registre enfantin.
A contrario, parfois, on accueille des classes ou des familles sur des visites contées que l’on a spécifiquement écrites pour les enfants et on imagine que les adultes vont s’ennuyer. Au lieu de cela, bien souvent, ils repartent enchantés en nous disant : “C’est aussi prenant pour les adultes que pour les enfants” !
Alors non, le conte n’est pas réservé aux enfants. Le conte c’est simplement une histoire et les adultes aussi ont besoin d’histoires.
La conte comme lien social et culturel
Dans la culture Mandingue (Afrique de l’ouest) il y avait les griots. (Ils existent toujours mais leur rôle a évolué). Ils étaient à la fois musiciens et conteurs. Ils transmettaient les informations officielles des autorités, ils faisaient de la médiation lors de conflits de personnes, ils animaient les festivités par leurs danses et leur musique et ils transmettaient les contes et histoires du pays. Ils étaient garants du récit historique de l’empire Mandingue. Le conte ici remplit plusieurs fonctions : transmettre un récit officiel, créer du lien, rassembler.
Un auditoire qui écoute le même conte se rassemble par le simple fait d’entendre la même histoire et de traverser les mêmes émotions. Ils nous amènent à réfléchir via le parcours d’un héros à nos agissements et à nos réactions. Ils nous offrent la possibilité de prendre du recul sur nos vies et sur la société qui nous entoure.
En partageant un moment conté avec d’autres, on se crée une culture commune et on se relie les un·e·s aux autres par un récit.
Mais les contes sont aussi porteurs de messages. Et nous sommes en droit de questionner les récits qui fondent nos sociétés et d’avoir un esprit critique sur les messages qu’ils délivrent. Si certains récits ne nous semblent pas justes, faisons-les évoluer !
Le conte comme lien entre les générations
Autrefois les contes étaient colportés de contrées en contrées par des conteurs nomades. Ils étaient racontés par les anciens lors des veillées. Le soir, une fois la nuit tombée, on quittait les activités physiques en extérieur et on se réunissait au coin du feu pour faire les activités d’intérieur. Et pendant ces veillées, les contes circulaient.
Les récits sont souvent inspirés d’histoires réelles locales et font le lien entre les différentes générations.
Le conte (ou récit oral) comme lien à l’enfance
Aujourd’hui on lit des histoires aux enfants avant d’aller se coucher. Et après ça, on va regarder un film sur Netflix. Finalement c’est simplement la transmission orale qu’on a arrêté. Mais des histoires, on continue de s’en raconter.
Dans nos visites contées pour adultes, on se rend compte à quel point les adultes aiment entrer dans une histoire transmise à l’oral. Je pense, effectivement, qu’il y a quelque chose relié à l’enfance. Non pas parce que les histoires c’est pour les enfants, mais parce que le fait de s’entendre raconter des histoires à l’oral, une fois qu’on a appris à lire, ça n’existe presque plus. On continue de recevoir des récits via nos lectures, via les films et séries, mais mis à part le théâtre (qui reste très lié à une culture de l’écrit, et qui souvent à une construction plus complexe avec une mise en scène davantage sophistiquée) on ne transmet que peu d’histoires à l’oral.
Le conte, d’une certaine manière, fait appel à l’enfance et c’est peut-être aussi ça qui fait du bien aux adultes ?!
Les récits comme pratique ancestrale
En peignant sur les murs, nos ancêtres à la préhistoire ont raconté des histoires. En créant des mythes, nos ancêtres à l’Antiquité ont raconté des histoires, Les trouvères et troubadours au moyen-âge on raconté des histoires… Toute société a ses histoires.
Si l’on en croit le mythologue du XXe siècle, Joseph Campbell, les récits (mythologiques, religieux, contes traditionnels, …) dans de très nombreuses cultures, suivent un même schéma général. Les héros accomplissent un parcours avec des étapes (ou des épreuves) qui l’amènent à une émancipation. Les personnages des récits incarnent des archétypes et le voyage initiatique et symbolique que fait le héros le transcende et le rend meilleur (ou plus éclairé). Cette quête, par l’identification à un héros ou à une héroïne, amène l’auditeur·ice à s’émanciper et à s’épanouir par procuration.
De l’utilité du récit en Histoire ?
Quand on raconte l’Histoire on touche souvent à des événements complexes issus de temps éloignés dont on ne connaît pas les enjeux et avec des personnages éloignés de nos préoccupations actuelles. Tout ceci met une grande distance entre nous et l’Histoire et malgré toute la bonne volonté du public et son envie de comprendre, l’accès est parfois difficile. Insérer ces faits historiques dans un récit, avec des enjeux, des personnages qui ont des avis et des émotions, c’est s’approprier l’Histoire, la rendre vivante. On rend l’histoire accessible en la faisant passer par les émotions universelles que tout humain traverse au cours de sa vie (quelque soit l’époque) et auxquelles tout un chacun peut s’identifier.
Nous rassembler par le conte.
Oui, faire société c’est se raconter des histoires communes. C’est partager des émotions et des idées via le parcours d’un héros. L’oralité permet de rendre ces récits vivants et de les adapter à une société qui évolue. Cela a toujours existé dans l’humanité et les récits rassemblent les générations.
Quand nous faisons une visite contée et que nous emmenons nos visiteur.euses dans nos histoires nous espérons toujours qu’ensuite, dans les classes, dans les familles, il y ait des échanges autour de ce moment. Et quoi qu’il en soit, ne serait-ce que d’avoir passé ce moment ensemble, c’est déjà un échange, un partage et nous adorons voir les réactions communes de nos groupes, le moment où ils prennent une respiration commune, le moment où la colère se lit dans leurs yeux, le moment où ils sont en apnée…
Bref ce sont tous ces aspects que nous aimons dans la visite contée : le fait de nous rassembler en société, entre génération, de nous créer une culture commune par l’oralité comme les humain·e·s l’ont toujours fait !
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